1. Importance des forêts claires en R.D. Congo
Les forêts claires représentent une ressource vitale pour les populations qui habitent une partie d’Afrique Australe. Sa biodiversité est très importante et riche d’environ 8.500 espèces végétales, dont plusieurs sont endémiques de la région. On y rencontre également de nombreux refuges pour des espèces animales. On estime qu’il y’a plus de 75 millions de personnes en milieu rurale et 25 millions dans les centres urbains qui habitent les régions couvertes par les forêts claires. Plus de 70 % de ces populations utilisent quotidiennement les produits de ces forêts claires pour générer de l’énergie (charbon de bois et bois de chauffe), se soigner (plantes médicinales), se nourrir (produits forestiers non ligneux : fruits, champignons, miel, etc.). Dans ces forêts claires, les produits forestiers non ligneux (PFNL) dont les champignons et les chenilles sont également importants comme sources de nourriture et de revenus pour la population locale. Certaines espèces sont également utilisées en menuiserie et en construction.
Ces forêts claires jouent également un rôle capital pour la régulation du climat dans les régions qu’elles couvrent, elles y influencent notamment le cycle de l’eau et du carbone influençant ainsi le régime des précipitations et la température. C’est donc une des composantes principales de la détermination des conditions environnementales en Afrique australe.
En R.D. Congo, ces forêts claires sont localisées dans quelques parties au sud et sud-est du pays où elles couvrent presqu’entièrement la province du Haut-Katanga, une partie de la province du Tanganyika et de la province du Lualaba. Elles sont parmi les plus humides (avec 1200 mm de pluies par an), le plus haut (canopée à 18-20 m) et ayant la plus grande diversité en espèces végétales. Durant plusieurs décennies, elles ont été considérées comme « orphelines» en R.D. du Congo. En effet, dans un contexte de démographique galopante et de pauvretés accentuées, les ressources naturelles renouvelables des forêts claires n’ont pas connues de meilleure gestion malgré leur exploitation de plus en plus recrudescente.
2. Pourquoi un Observatoire consacré aux forêts claires (OFCC)?
2.1. Historique de l’OFCC à l’Unilu
Depuis sa réouverture à l’Unilu, la faculté des sciences agronomiques a toujours œuvré dans le domaine des ressources forestières du Miombo à partir des enseignements de botanique-systématique, de biogéographie, phytosociologie, de sylviculture et agroforesterie. Plusieurs Travaux de Fin d’Etude ont également été réalisés.
De 2005 à 2010, un projet sur la remédiation et gestion de terres polluées dans l’hinterland a été mené dans le cadre de la coopération universitaire au développement.
De 2011 et 2012, un projet de poursuite a été réalisé sur la conservation de la biodiversité et environnement. Dix travaux de maitrise portant la caractérisation, la gestion et la valorisation des ressources de la forêt claire ont été publiquement défendus.
En 2013 au mois de janvier, avec l’appui de plusieurs partenaires dont Asbl MIKEMBO, Asbl Bidiversité Au Katanga (BAK) et la Coopération technique allemande (GIZ); sous le haut patronage du gouverneur du Katanga, une Conférence sur la conservation et de gestion de la forêt claire de Miombo au Katanga avait eu lieu. Une des principales recommandations de ces assises étaient la création d’une cellule de recherche sur la forêt claire de Miombo du Katanga, qui serait attachée au gouvernorat de province et piloté par les experts de la faculté d’Agronomie. Ce projet est resté en attente. Entre temps au sein de la faculté, l’Observatoire était en gestation.
En 2016, un partenariat avec la FAO sous financement GEF dans le cadre du projet Miombo s’est fixé comme objectif de concrétiser le projet de l’observatoire des forêts claire en RD Congo.
De 2017 à ce jour, l’expertise de la faculté est d’avantages renforcée par la multiplication des études sur les filières des produits forestiers non ligneux (PFNL), des produits forestiers ligneux (PFL) et les études des filières des produits agricoles.
2.2. Résultats obtenus des travaux réalisés dans le cadre de l’OFCC
- Mise au point des techniques de multiplication en pépinière d’espèces arborescentes produisant des produits forestiers non-ligneux.
- Etude de l’ectomycorhization d’essences indigènes de la forêt claire au Katanga (RD. Congo) et application pour la reforestation.
- Caractérisation des communautés végétales du Miombo en lien aux paramètres physiques du sol. Réserve de Mikembo, Lubumbashi (RD. Congo).
- Evaluation de la productivité en chanterelles de la forêt claire du type Miombo.
- Organisation structurale de la forêt claire du Miombo dans la zone périurbaine de Lubumbashi (RD. Congo).
- Sélection des espèces ligneuses pour la phytostabilisation et la valorisation des sols contaminés en ETMs de Gécamines/Penga Penga.
- Etude de la structure des populations de Cubitermes à Mikembo (préliminaire à l’étude de la dynamique de leurs populations).
- Détermination des facteurs associés à la production durable des charbons de bois dans l’hinterland de Lubumbashi: «Cas de l’axe Lubumbashi – Kasenga»
- Dynamique spatiotemporelle de la forêt claire dans la plaine de Lubumbashi.
- Dynamique spatiale forestière au sein de l’Arc Cuprifère Katangais (A.C.K.) en République Démocratique du Congo (RD Congo)
- Ecologie fonctionnelle et dendroécologie d‘une forêt claire de la Plaine de Lubumbashi. (Haut-Katanga ; République Démocratique du Congo).
2.3. Problématique générale de création de l’OFCC
L’ensemble d’actions dans la gestion et l’exploitation des forêts claires en RD Congo a conduit les Experts de la Faculté des Sciences Agronomiques (FSA) de l’Université de Lubumbashi (UNILU) à élaborer le projet d’Observatoire pour multiples raisons:
(1) valoriser les nombreuses données recueillies (inventaires et diagnostic de base, enquêtes des prix des produits, commercialisation, quantification, surexploitation, monitoring de la dynamique des ressources…),
(2) faciliter l’évaluation des politiques menées comparativement au moyen financier important que les ressources forestières mobilisent, ainsi l’observatoire pourrait notamment servir de cadre à l’élaboration d’indicateurs qui viendraient appuyer cette démarche d’orientation et d’évaluation des politiques,
(3) mettre en place un cadre de rapportage pour l’information à l’échelle régionale des ressources de la forêt claire en général et les mutations qu’elles connaissent,
(4) se mettre en conformité avec la directive cadre de la RD Congo qui incite les différents acteurs à plus de transparence,
(5) évaluer objectivement la vulnérabilité et les risques majeures liées aux effets de la surexploitation et de l’exploitation anarchique. Ce sont ces raisons parmi tant d’autres qui ont milité à la création de l’Observatoire des Forêts Claires en RD Congo (OFCC) par les experts de la FSA/UNILU et ceci pour une durée de vie aussi longue que la vie ces forêts.
2.4. Méthodologie de l’observatoire
L’OFCC est un lieu doté d’instruments scientifiques, permettant la centralisation d’indicateurs, au service de la connaissance, de l’évaluation et de la protection des forêts claires. Ces indicateurs peuvent être mesurés, interprétés et dérivés. L’OFCC est un dispositif d’observation des forêts claires pour suivre l’évolution spatiale et temporelle (du passée au futur passant par le présent). C’est aussi et surtout un outil permanent d’aide à la décision en matière des ressources forestières.
Sur le plan technique, l’OFCC va œuvrer suivant différentes fonctionnalités ci-après semblables à celles rencontrées dans un Système d’Informations à Références Spatiales (SIRS):
- Acquisition et production d’indicateurs (mesure des données, saisie des données du passé, enquête de terrain, rapport d’activités ou des missions, …),
- Archivage d’indicateurs & reproductibilité sous plusieurs formats informatiques ou non,
- Analyse, monitoring et interprétation d’indicateurs (manipulation, transformation, croisement, intégration et requête en rapport avec les ressources forestières),
- Affichage, présentation et vulgarisation d’indicateurs (sous format audio, vidéo, graphique, tabulaire et cartographique),
- Abstraction des indicateurs (représentation de la réalité des ressources de la forêt claire par la modélisation),
- Anticipation des indicateurs (prospective sur les ressources de la forêt claire).
3. En RDC, nombreuses données existantes, mais disparates et dispersées
Un grand nombre de données sont collectées par plusieurs acteurs notamment ceux du ministère de l’environnement, conservation de la nature et développement durable (MECNDD), plusieurs organismes non gouvernementaux (ONG) et nombreux chercheurs des universités (Travaux de Fin d’Etude, mémoire pour le Diplôme d’Etudes Approfondies, thèses de doctorat et les publications scientifiques). La plupart de ces acteurs ne procèdent pas à une mise à disposition de l’information qu’ils détiennent. Donc l’information est moins accessible et moins claire. Ceci est surtout vrai au niveau national et l’information devient de moins en moins systématique pour devenir quasi inexistante au niveau local. En plus de cette disparité de stratégie, un certain nombre de difficultés techniques sont à déplorer dans les organisations: (1) nature et localisation précises de l’information non systématiquement connue de tous les acteurs, (2) disponibilité et accessibilité parfois difficiles une fois l’information localisée, (3) formats des données disparates entraînant des problèmes de compatibilité entre différentes sources, (4) lacunes de données sur différents thèmes qui concernent la forêt claire.
Il faut également signaler que la question des données et de leur diffusion semble une question sensible pour les acteurs. Cette sensibilité est parfois matérialisée par une réticence des acteurs à parler des données qu’ils possèdent, voire par un refus pur et simple de répondre à certaines questions.
L’idéal serait d’avoir un grand nombre de données accessibles en ligne, ou tout au moins existantes en un lieu et valorisées sous forme de données synthétiques, ce qu’un observatoire peut faciliter.
4. Stratégies et synergies à développer
4.1. Sur le plan politique
Au niveau national en RD Congo, les compétences en gestion et exploitation forestières et de la biodiversité sont éclatées en différents niveaux de pouvoir comme, à titre d’exemple, entre le ministère de l’environnement, conservation de la nature et développement durable (MECNDD), le ministère de tourisme, le fond forestier national (FFN), l’institut congolais de conservation de la nature (ICCN) et bien d’autres. Face à l’exploitation anarchique de la forêt claire, les décideurs politiques initient souvent des missions pour élaborer des plans nationaux et/ou provinciaux de référence. Ces données souffrent souvent de manque de mise en commun spatiotemporelle. Pour combler ces lacunes, il convient à l’évidence de développer les compétences locales universitaires en la matière par la création d’un observatoire des forêts claires en RD Congo.
4.2. Sur le plan institutionnel
l’UNILU a déjà marqué il y’a quelques années sa volonté de développer ses relations avec la société, notamment par la création d’une interface Université – Société. Rappelons que l’un des rôles de l’Université est de rendre des services à la population, à travers la collaboration avec les institutions en place de tous ordres par l’identification des problèmes et des besoins, dégagement de pistes et orientations, et enfin identification de solutions concrètes adaptées au contexte concerné, afin d’éclairer les décisions à prendre par les différents niveaux de pouvoirs. L’OFCC entretient plusieurs partenariats et en créera d’autres avec les institutions locales et nationales et internationales pour mieux appréhender spécifiquement les problèmes lié à la forêt claire zambézienne. Pour y arriver, il est impérieux de mettre en place une structure permanente apte à générer quotidiennement des données pour apporter des réponses adéquates en tenant compte des fortes mutations.
S’agissant du service à la société, l’OFCC va être un siège principal des grandes formations continues organisées par l’UNILU dans le domaine des forêts claires.
4.3. Sur le plan de la recherche et de l’enseignement
L’OFCC va adhérer au réseau des observatoires spécialisés en la matière afin de renforcer la production, la mise à jour, la mise en commun des données sur les ressources des forêts claires congolaises ainsi que les multiples variantes qui les composent. A cet effet, une bibliothèque importante et unique est à mettre en place. Un effort sera consacré à réunir une documentation abondante déjà existante. A partir des études de terrain sans cesse réalisées de manière cyclique à la FSA en forêt claire, les données actualisées sont disponibilisées par les chercheurs et constituent un patrimoine unique source précieuse d’informations pour plusieurs partenaires internes et externes à l’UNILU.
Sur le plan scientifique, l’OFCC va appuyer les apprenants de premier, deuxième & troisième Cycle dans leurs travaux de recherche sur les aspects de caractérisation, de gestion et de production des ressources de la forêt claire. Cet observatoire constitue également un support important pour les enseignements en rapport avec l’utilisation des outils de la géomatique appliquée à l’aménagement de la forêt claire (imageries satellitaires optiques et RADAR, SIG, Cartographie, …).
Dès son démarrage, l’OFCC est orienté à développer des synergies multiples et à se placer au cœur de la gestion forestière dans la sous-région. Dans son fonctionnement, il va réunir plusieurs chaires organisées à l’UNILU: économie agricole et rurale, sociologie rurale, gestion des ressources naturelles renouvelable, écologie forestière, commercialisation des produits forestiers non ligneux, gestion de la faune, système d’informations géographiques, écologie du paysage, conservation et gestion des aires protégées, aménagement du territoire, conservation des terres, etc.
4.4. Par rapport aux communautés locales et à la communauté de praticiens
L’OFCC va procéder au recensement régulier des besoins en informations de la communauté des praticiens. Les réponses à ces besoins seront transmises par différents canaux comme le site web, les imprimés en langue locale, les émissions radiodiffusées, les montages des documentaires …. Plusieurs rapports de faisabilité préalables à la création de l’observatoire ont déjà été effectués pour justifier de son importance vis-à-vis de multiples acteurs (politique, institutionnel, enseignement & recherche) et plus particulièrement vis-à-vis de la communauté des praticiens. Il apparait que plusieurs acteurs sont actifs et organisés autour de la problématique des ressources de forêt claire. Dans son fonctionnement, l’OFCC va représenter un cadre permanent de concertation, d’échange, de formation, de recyclage et d’information permettant la concrétisation des interactions entre membres de la communauté des praticiens.
La principale préoccupation sera d’acquérir une vision globale des enjeux (socio-économiques et environnementaux) et des méthodes de gestion de cet écosystème qui seront articulées autour de quatre thèmes et qui contribuent à la fois à:
(1) la connaissance fondamentale de l’écosystème forêt claire par l’évaluation de l’évolution spatiotemporelle des surfaces et les inventaires de la biodiversité. La connaissance de l’occupation et de l’utilisation du sol pour permettre la mise en place d’une cartographie participative en étroite collaboration avec les communautés locales voisines et d’autres parties prenantes.
(2) l’appréhension et la perception de la ressource forêt claire à l’exemple des forêts sacrées, les forêts classées, des parcs et des réserves,
(3) l’état de la production et de l’exploitation des ressources en forêt claire dont les PFNL (champignons, charbon de bois, bois d’œuvre, faune …) et les PFL par la communauté locale,
(4) la gestion des ressources et la valorisation à travers la connaissance des méthodes de régénération des espèces comme la mise au point des techniques de multiplication en pépinière, la mychorization des essences de la forêt claire
5. Objectifs de l’OFCC
5.1. Objectif global
Contribuer à l’amélioration de la gestion et de l’exploitation des forêts en République Démocratique du Congo et plus spécialement des forêts claires.
5.2. Objectifs opérationnels
- collecter, disponibiliser et faciliter la diffusion de l’information sur les forêts claires en RD Congo auprès des différents partenaires et utilisateurs. De manière particulière, assurer régulièrement un suivi de l’évolution des surfaces des forêts claires.
- établir une base de données sur les forêts claires qui comprendrait notamment des informations sur les connaissances de l’écologie des forêts claires, les inventaires forestiers, les modes de gestion, les chaînes de valeurs des produits forestiers ligneux et non ligneux, etc.
- Identifier divers besoins des parties prenantes à la problématique de gestion et d’évolution des forêts claires par l’exploitation de la base de données et la conduite des études appropriées.
- assurer le monitoring des politiques publiques dans le domaine des forêts claires,
- assurer une mission de veille dans les domaines scientifiques, économiques et juridiques relatifs aux services et produits issus des forêts claires en RDC,
- faciliter les échanges d’expériences entre acteurs et gestionnaires locaux et régionaux des forêts claires au RDC en alimentant la communauté des praticiens en informations,
- vulgariser l’information simplifiée sur les bonnes pratiques de gestion et d’exploitation forestière auprès de tous les acteurs, y compris les communautés locales.
- Apporter les connaissances nécessaires à la prise de décision à tous les niveaux.